Après une année 2024 teintée de grisaille et des pages faits divers bien plus foncées que les pages sports, le XV de France renfilait le maillot pour trois tests matchs réussis à la maison. Cette tournée à domicile a livré quelques enseignements intéressants concernant le futur du rugby français.
Le XV de France sort d'une tournée réussie avec trois succès
Crédit : Icon Sport
Depuis le revers en quart de finale de coupe du Monde perdu face aux futurs champions du Monde sud-africains, la bande à Galthié avait entamé une lente descente vers les fins fonds du jeu, rappelant ainsi les années noires du rugby français, pas si vieilles que ça, conclue d’une sinistre façon cet été en Amérique du Sud. Revenus au Stade France, un an après, Dupont et compagnie semblent avoir stoppé l’hémorragie et soigné les maux. Trois victoires en trois matchs, avec en point d’orgue, un succès majuscule contre les All Blacks. L’automne a remis le coq sur pattes avant qu’il ne soit trop tard et tire ses premières leçons attendues par de nombreux experts assis aux premiers rangs.
Revue d’effectif
Si jusqu’à présent, le sage sélectionneur national, Fabien Galthié, se résignait à modifier la colonne vertébrale de cette équipe bleue d’un match à l’autre, les blessures et les formes (ou méformes) des uns ou des autres, l’ont poussé à faire évoluer ses préceptes de base. « Nous construisons tout de même autour de l’émulation. Rien n’empêche de bouger les lignes », déclarait ainsi l’ancien demi de mêlée au micro de Stade 2 dimanche.
Il y a les nouveaux gagnants de cette émulation si chère au staff. Moefana et Gailleton démarrent au centre en laissant le duo Danty-Fickou sur la touche contre le Japon. Maxime Lucu, jusque-là fidèle finisseur à la mêlée, s’est fait doubler dans la hiérarchie par Nolann Le Garrec. Paul Boudehent et Marko Gazzotti, bénéficiant respectivement de l’absence de Cros (blessure) contre la Nouvelle-Zélande et de celle de Alldritt (choix tactique) contre l’Argentine, sont partis pour rester dans la rotation. Même constat pour Alexandre Roumat, plus aérien, plus athlétique que l’emblématique numéro 8 rochelais ou Anthony Jelonch, offrant une possibilité de plus en troisième ligne. Jean-Baptiste Gros est désormais bien plus qu’une option en numéro 1, chasuble jusque-là réservé à Cyril Baille. De l’autre côté, le successeur tant attendu de Uini Atonio se nomme sûrement George-Henri Colombes, solide 70 minutes face aux All Blacks malgré une gastro-entérite, ce n’est pas rien.
Enfin, si certains sont allés chercher le maillot, d’autres ne sont pas près de le lâcher. On entend par là Louis Bielle-Biarrey, véritable mobylette dans les couloirs derrière un ballon botté du crampon. Thomas Ramos, maestro au pied d’or, s’est révélé être plus qu’une option à l’ouverture, alors que la tournée virait presque au « Jalibert-gate ». Homme du match face aux Blacks, propre dans l’animation et adroit dans l’exercice du but, le Toulousain amène forcément son compère en club, Romain Ntamack, à venir chercher le maillot qu’il n’a pas plus porté depuis août 2023 et sa fameuse blessure au genou.
Un plan de jeu affirmé
Les nouvelles règles World Rugby avaient tout pour bousculer le plan de Galthié et de son staff. Que nenni ! Les pensionnaires de Marcoussis s’entêtent à ce qui marche. La dépossession, marque de fabrique de la maison bleue depuis 2020, n’a jamais été autant appliquée que lors de ce mois de novembre. En démontrent les stats lors des deux derniers matchs avec respectivement 39% et 44% contre la Nouvelle-Zélande puis l’Argentine. Moins de ballons, plus d’efficacité. La défense hermétique et les atouts en contre-attaque des Bleus en sont le secret. Une dépossession possible grâce à la qualité de pied des botteurs de l’Hexagone : 833 mètres gagnés au pied contre l’Argentine dont deux « 50-22 » précieux par Fickou et Ramos. Les « chasseurs » mettant la pression sont tout aussi importants. Et c'est précisément grâce à ces chasses que le XV de France se procure ses meilleures occasions, à l’image de l’essai de Louis Bielle-Biarrey contre la Nouvelle-Zélande à la suite d’un ballon de récupération.
Source de promesses…en attendant des titres
Nous serions tentés, comme tous les amateurs de rugby, de dire que cette fois le « kick-off vers 2027 » est lancé, comme avoué par le sélectionneur pour confesser que l’acte 2 du mandat avait eu un léger contre temps. Néanmoins, pour ne pas tomber dans un manichéisme gêné et se gonfler les muscles à outrance en se pavanant d’être la meilleure nation européenne du moment, même si les résultats en attestent, il serait plus sage de garder dans un coin du crâne les matchs étriqués du dernier Six Nations et notamment de la gifle reçue face à l’Irlande ou encore de la triste rencontre face à l’Italie. Oui, l’horizon 2027 en Australie se prépare doucement, mais cette génération doit se construire sur des titres, jusque-là trop peu nombreux. Alors, si avec trois victoires au crépuscule de cette fenêtre internationale, le XV de France a laissé voir quelques belles promesses d’avenir, tâchons de rappeler aussi que ces Bleus n’ont pas remporté le tournoi continental en se déplaçant à trois reprises depuis 2007. Et cette année encore, ce Six Nations n’aura en rien des airs de promenade de santé…
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