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Édito : Requiem

Blacks-Boks. Épilogue final d’un grand classique tournant aux allures de requiem, sur de faux airs risibles de comédie musicale. Dans une finale concassée, hachée, les Sud-africains ont fait régner la loi de la violence, du défi physique, face à des Néo-zélandais bien timorés, douchés par la pluie de Saint-Denis. Dans un affrontement sans limite, la nation arc-en-ciel empochait ainsi son quatrième titre mondial, le deuxième consécutif après celui de 2019. Mais cette finale, à l’image de l’ensemble de la compétition, semble inquiétante quant à l’avenir du rugby.


C’est grave docteur ? Si pour certains cette Coupe du Monde édition 2023 fût une réussite pour le rugby, pour beaucoup ce n’était qu’un cauchemar, une mort lente. L’élimination des Bleus, sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, a évidemment joué sur ce ressenti bien peu emballant. Il suffit de se poser une question simple : a-t-on pris plus de plaisir devant les phases finales ou un simple Géorgie-Portugal ? Même en voulant défendre l’intérêt des matchs à élimination directe, du suspens qui les accompagne, forcé de constater que les petits poucets ont mieux représenté le rugby que quiconque. Un rugby libre, tout simplement.


Les phases finales ? Elles se résumèrent à des échanges insipides de coups de pied, des séquences interminables de pick and go, des attaques invisibles ou presque, un temps de jeu effectif tristement faible, des scandales aussi pathétiques soient-ils et pour finir, un arbitrage qui soulève des questions. Voilà le bilan. Pas de quoi réveiller les foules et les passions.



L'arbitrage a malheureusement été au centre de la Coupe du Monde 2023.

Crédit Image : ActuRugby


Par où commencer ? World Rugby se pavanant depuis quatre ans que tout est fait pour favoriser le jeu, or, c’est bien l’équipe qui le pourrit le plus qui gagne, d’un point à chaque fois, à la limite de la règle. Attention, les Springboks ne sont pas de mauvais champions, ils savent cependant “gagner moche”. La nation arc-en-ciel, parfaite allégorie de la défense et du “non-jeu”. Plus largement, ces défenses ont pris le pas sur les attaques, à partir des phases finales, comme on pouvait s’en douter. Trop, parfois. Un manque de volonté de jouer, quasiment désolant et frustrant, tant pour le spectateur que pour les acteurs. En finale, c’était en moyenne cinq secondes et demie par ruck pour sortir la balle. Soit plus de 14 minutes perdues dans ces zones de jeu sur les 38 minutes de temps de jeu effectif.


Les coups de pieds à foison faisaient figure de spectacle dans le ciel, mais peine à voir sur le terrain. À l’image, l’usage excessif du jeu au pied lors de la petite finale entre l’Angleterre et l’Argentine où 82 coups de pied ont été montés dans la nuit de Paris en 80 minutes. Plus d’un coup de pied par minute de moyenne. Sur les quatre dernières équipes en lice, deux avaient un jeu basé sur la pression et la “rush défense”. Le centre champion du monde, Jesse Kriel n’avait touché aucun ballon en demi-finale contre l’Angleterre sur l’intégralité du match. Assez alarmant. Une bien maigre publicité pour ce rugby joueur qui faisait tant rêver les jeunes générations. Une époque presque révolue.


La règle désormais, comment l’homme qui en détient la soi-disant science infuse a-t-il influé sur le sort de ces matchs tendus et indécis ? Les déclarations et contestations se multiplient en conférence de presse et dans les journaux. Preuve que tout ne tourne pas rond sur la planète ovale. À l’image, Wayne Barnes samedi soir, auteur d’un arbitrage à deux vitesses sur un ensemble de décisions qui font jaser, comme l’arbitrage des rucks ou sur les points de contacts. Peu cohérent, notamment autour de la sécurité des joueurs, l’arbitrage a-t-il atteint une certaine limite dans ce domaine ? Avec ce mondial, on l’a compris, il est clair que la volonté est d’aseptiser un maximum les contacts entre les joueurs, au point de brider l’engagement dans un sport de combat et d’instaurer des sanctions toujours plus sévères sur des gestes paraissant involontaires, induits par la force du jeu. De manière globale, sorti du contexte de la finale, la complexité et la subtilité des règles, toujours en perpétuelle évolution, ne finissent-elles pas par perdre le spectateur, et de faire des arbitres les boucs émissaires de n’importe qui ? Le lien entre l’arbitre et les différents acteurs, sur et en dehors du terrain, ne risque d’être que bien plus délétère.


Le rugby a-t-il touché la fin, fait le tour de la question ? Ne rentre-t-il pas dans une nouvelle ère ? Cette Coupe du Monde a mis en exergue de gros soucis à régler au plus vite, au risque de voir le rugby mourir à petit feu, et ses valeurs avec.


Tylian Auriol


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