Il y a des soirs où le rugby est attendu comme roi. Pour autant, ces mêmes soirs, le ballon ovale revient naturellement à sa place modeste qui est la sienne. Du côté d’Ernest Wallon ce dimanche, les casques et épaulettes, les taches de sang sur le col du maillot et les crampons sales se sont rangés au bord du terrain, le temps long d’une cérémonie d’adieu.
La soirée était prévue comme riche en émotions. Elle l’a été. Sans doute, bien plus qu’envisagée.
Le Stade Toulousain a rendu hommage à Mehdi Narjissi et Helen Tekori avant le choc face au Stade Rochelais.
Le spectateur est là, la larme à l’œil, debout pour participer au vibrant hommage rendu à Mehdi Narjissi, jeune joueur toulousain disparu en mer le 7 août dernier. Cette larme, elle a coulé sur les toutes les joues des 19 000 supporters, y compris celles des plus impénétrables, à la vue de la banderole « Tous avec Mehdi, Mehdi avec nous » dressée au centre du rectangle vert, soutenue par la famille, les coéquipiers et le président, Didier Lacroix, eux aussi émus aux larmes. Les applaudissements n’ont pas caché le bruit sourd d’une disparition restée sans réponse. Ce bruit-là, mécanique, rythmé par les mains s’entrechoquant, résonnait pourtant comme un silence.
Nombreux sont ceux qui avaient remarqué que Didier Lacroix et Ugo Mola avaient abusé de l’expression, non sans raison, du « devoir de mémoire », nous y compris. Mea-culpa. C’est tout un club et bien encore qui s’est soudé pour affronter le deuil si complexe d’un enfant sans corps. Tout le rugby français à l’unisson pour l’une des nouvelles les plus terribles qui soient.
Ce devoir de mémoire n’est sûrement pas un écrin de fumée. La direction du Stade Toulousain a annoncé que les Crabos de l’académie porteraient, jusqu’à la fin de saison, le nom de Medhi, brodé sur leur maillot de chacun d’entre eux, amis, coéquipiers ou ex-coéquipiers d’une époque désormais finie. Un devoir de mémoire aussi pour Joe Tekori, veuf de sa femme Helen, décédé brutalement dans l’été, qui laisse derrière elle trois enfants.
Les 30 acteurs du soir, Toulousains et Rochelais, ont remplacé la banderole au centre du terrain, mais la mémoire, elle, est bien là, présente à jamais dans le ciel étoilé d’Ernest Wallon.
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